Mehdi-Georges Lahlou

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Mehdi-Georges Lahlou est né en 1983 aux Sables d’Olonne (FR). Il vit et travaille à Bruxelles et Paris.

Quand on observe l’ensemble de l’œuvre réalisé à ce jour par Mehdi-Georges Lahlou, trois constantes principales, parmi d’autres, se dessinent : l’une concerne son rapport au corps, l’autre son rapport à l’espace. On peut même affirmer qu’assez souvent, les deux sont entremêlées. Sa relation au corps n’est évidemment pas étrangère à sa formation initiale de danseur, celle à l’espace à son travail de «sculpteur», terme sans doute le plus adéquat pour parler de sa démarche artistique, même si la photographie - et là on touche au troisième point : la question de la mémoire - n’en est jamais absente non plus.

Corps, espace, et mémoire, forment donc une sorte de trilogie dont au moins deux des composantes se retrouvent dans chacune des performances, des sculptures ou des images produites par l’artiste. Toutes concourent, chacune à leur manière, à une évocation détournée de références culturelles, de convictions religieuses ou d’attributs sociaux. Il s’agit pour lui de toutes les revisiter à l’aune des pratiques critiques et des différents processus caractéristiques de l’art contemporain, dans une de ses fonctions qui consiste à remettre perpétuellement en question certains tabous et autres convictions de nos sociétés, qu’ils soient d’ordre moral, religieux, philosophique, politique, social, culturel ou esthétique.

On pourrait presque affirmer que l’ambiguïté des résultats auxquels aboutit Mehdi-Georges Lahlou est inversement proportionnelle aux moyens qu’il se donne, moyens somme toute relativement traditionnels pour un artiste du XXIe siècle, à la croisée des cultures, des genres, des styles et des techniques. De tout temps en effet, les artistes ont pratiqué aussi bien l’autoportrait que la sculpture, le vitrail a traversé les siècles, et dès ses origines en 1839, la photographie n’a cessé d’être utilisée par les artistes, qu’ils soient peintres ou non. 

Alors, d’où vient cette faculté que possède Mehdi-Georges Lahlou à produire des œuvres ambiguës avec des éléments qui, eux, ne le sont pas vraiment? On ne peut parler de surréalisme dans sa démarche, mais plutôt d’une capacité à dissocier les référents de toutes sortes et de toutes origines pour en faire des amalgames aux formes de la pensée. On verrait donc plus l’artiste en un alchimiste agissant sur les images, les matières et les supports pour établir de nouvelles perceptions de ceux-ci, c’est-à-dire pour transformer leur identité en produisant des objets ou des figures inclassables, car multi référentiels.

De ce point de vue, les bustes aux visages parfois dupliqués, les structures cubiques en forme de Kaaba, renvoient à différents aspects de l’histoire de l’art (autoportrait, art minimal) dont ils détournent les codes de représentation. Il s’agit également de conjuguer des pièces, soit en les multipliant (72 Vierges - 2012), soit en les associant. L’artiste crée ainsi de nouvelles œuvres à partir d’autres plus anciennes, les plaçant en un équilibre aussi improbable qu’évocateur (Équilibre à la Kaaba - 2013), ou encore en jouant d’effets d’inclusion, comme dans Home sweet home (2009-2010), structure minimaliste en forme de Kaaba, dont une des faces est transformée en écran vidéo. L’ensemble pourrait être résumé par le titre d’une autre œuvre qualifiée d’installation, et paradoxalement dénommée Construction cubique, ou de la pensée confuse (2011).

C’est en se faisant catapulter entre elles, ces différentes formes et figures, sans que cela soit pour autant évident au premier abord, que l’artiste parvient à élaborer un univers particulier. Il lui est propre, mais tout un chacun dispose de la faculté de se l’approprier, dans la mesure où ses composantes ne nous sont pas étrangères, au contraire, elles pourraient presque nous paraître familières. Il ne reste plus au spectateur qu’à recomposer le puzzle en tentant de débroussailler la pensée tentaculaire de l’artiste.

Bernard Marcelis (extrait du texte ‘Des dispositifs d’une pensée hybride’)